L'insolente fortune des ROIS du discount !

ENTREPRENDRE / Caroline FRANCOIS - Juillet/août 2017
Les enseignes discount de l'équipement de la maison, de la personne ou de bricolage accélèrent leur transformation pour capter une clientèle plus large et monter en gamme...
Avec la reprise de Tati, GiFi frappe fort. Symbole de la mode à petit prix, l'enseigne phare du boulevard Barbès, à Paris, incapable d'éponger ses dettes, a trouvé chaussure à son pied. Le créneau a de quoi susciter les convoitises. En effet, les discounters non alimentaires ne connaissent pas la crise : le CA cumulé des 10 premières enseignes de bazar (GiFi, La Foir'Fouille, Centrakor, Action, Hema...) affiche plus de 8% de croissance entre 2011 et 2016*. « Ces enseignes semblent en capacité de maintenir ce rythme dans les 2 ans à venir», précise Alexandre Masure, l'auteur de l'étude Xerfi publiée en mars dernier.
Pléthore de produits tendance
À l'heure où les magasins sont concurrencés par les sites marchands, comment expliquer cet engouement pour les bazars où on trouve de tout, du gel douche à la veste polaire en passant par des vases ou des piscines gonflables ?«Sous l'effet de la crise et des tensions sur le pouvoir d'achat, les chaînes de bazar ont séduit un nombre croissant de Français par leur offre de produits utiles, originaux el surtout bon marché», indique Alexandre Masure Surtout, la recherche de l'achat malin a conduit une clientèle, parfois relativement aisée, à se détourner des circuits traditionnels pour aller fouiller dans les étals de La Foir'Fouille, de GiFi, d'Action Quels sont leurs secrets ? D'abord du choix avec de multiples références souvent renouvelées et des articles qui suivent la tendance de la mode, de la déco, des arts de la table du jardin Et tous sont capables de créer des achats d'impulsion. Autre élément de réussite, le déstockage. Ainsi, les 5 premières enseignes de déstockage ont vu leur CA croître de 60% entre 2011 et 2016* Car la manière de consommer a changé : désormais, l'achat d'un produit en promotion ou chez un discounter fait partie des réflexes de consommation. «En amont, cet distributeurs sont une aubaine pour des marques soucieuses d'écouler leurs stocks d'invendus et fins de série». Profitant à plein de ce cercle vertueux, des chaînes comme Stokomani gagnent régulièrement des parts de marché dans l'habillement. L’enseigne a d'ailleurs intégré en 2016, pour la première fois, le top 20 des distributeurs textile.
L'émergence du smart discount
Mais le véritable succès de ces bazars tient dans leur capacité a se transformer en smart discount. « Cette expression désigne la capacité des enseignes de bazar a développer une promesse d’achat qui dépasse la simple promesse de prix bas» Toutes ont ainsi joué le jeu de la montée en gamme afin de se défaire d'une image négative de magasins de crise. Le secret est là : maintenir les prix bas et ajouter des produits tendance, un conseil renforcé et des magasins totalement relookés avec éléments d'ambiance, couleurs vives, rayons soignés Cette nouvelle stratégie pousse même les discounters a changer de modèle - et de clientèle - en allant au cœur des villes. Depuis l'automne 2016, GiFi projette en effet, d'ouvrir une cinquantaine de boutiques plus citadines dans les 10 ans qui viennent, avec, en prime, un service de livraison à domicile. Ce modèle enclenché pour les enseignes d'équipement de la maison et de la personne pourrait toucher d'autres secteurs, comme la cosmétique, à l'image de l'essor de l'enseigne Kiko dans l'Hexagone.
Concurrence acharnée entre enseignes
Avec l’arrivée d’enseignes internationales comme Primark ou Hema, les discounters français doivent se battre férocement pour conserver leurs parts de marche. Cette bataille passe inévitablement par la croissance organique des points de vente Ainsi, Centrakor envisage d’augmenter son parc de 41 magasins en 2017, contre une trentaine en 2016. L’enseigne a d'ailleurs récemment racheté 31 magasins Vima présentes dans l'Est de la France. Pour sa part Stokomani veut passer le cap des 200 points de vente. Un moment incontournable que prennent aussi les plus gros. GiFi, par exemple veut doubler son nombre de magasins d’ici 10 ans(soit 800) quand La Foir’ Fouille projette d’ouvrir une dizaine de points de vente supplémentaires chaque année. Cette surenchère vise un objectif «Atteindre une taille critique qui leur permettra de renforcer encore leur part de marché et leur visibilité», précise Alexandre Masure. Une vraie course de vitesse entre les enseignes ! Et les gagnants seront ceux qui se seront développés a la plus vive allure. Ce qui impose d'importants investissements «Le secteur se redessine par l'ouverture de nouveaux points de vente avec I’ apparition d’un pôle de leaders qui concentre I activité. La décomposition de Tati traduit d’ailleurs cette croissance à deux vitesses», analyse I’expert de Xerfi. A l'image de Tati, c'est en particulier le textile et I ’habillement qui connaissent davantage de difficultés «Ces enseignes cumulent des pertes chaque année en raison d’une vive concurrence notamment par I’ arrivée de Primark sur Ie marché français» Et rares sont celles qui résistent, exception faite de Stokomani « Son positionnement est différent de celui de Primark car ses magasins sont installés en périphérie. Elle ne joue donc pas sur le même terrain» Pour autant, d’une manière générale, les enseignes à petit prix ont de beaux jours devant elles à condition d’avoir la surface financière suffisante pour augmenter Ie nombre de points de vente et relooker ses magasins. La course ne fait que commencer.
Stokomani les rhabille avec ses opérations de déstockage
Comme nombre d’enseignes discount, Stokomani (350 M€ de CA), ce n’était à I origine que des bazars et des affaires de négoce constitués de vieux stocks revendus sur les marchés. Plusieurs décennies plus tard le profil de I’entreprise a fortement évolué : après un premier magasin en 1971 Stokomani a essaimé 70 points de ventes. Le principe de I enseigne : «Offrir du déstockage de produits de marques à petit prix, complèté par des accessoires sans marque comme des assiettes jetables »,indique Delphine Mathez, la présidente du groupe. Avec 8 000 références les magasins de la chaîne ne désemplissent pas. ll faut dire que les accords noués avec plus de 300 marques pour déstocker leurs produits est payant. Sans compter I’attrait de la nouveauté. « 75% des livraisons hebdomadaires des magasins sont constituées de produits qui ne sont pas référencés. Cela permet de créer des achats d’impulsion» poursuit la chef d’entreprise. Stokomani sait donc attirer une clientèle essentiellement familiale avec des produits quotidiens d’équipement de la maison, hygiène de la personne. Mais I’enseigne ne joue pas encore dans la cour des grands. "Avec 70 magasins nous n’avons pas les moyens de nous faire connaître par une communication à la télévision, trop chère». Pour autant Delphine Mathez espère s’installer davantage en Ile de France qui concentre 25% de la consommation hexagonale de quoi atteindre une taille critique : d’ici la fin de I année 10 magasins supplémentaires devraient ainsi être ouverts pour passer le cap des 100 points de vente dès 2019. Avec une croissance du CA de 15% parano la présidente de Stokomani peut envisager I’ avenir avec optimisme.